« Mais c'est encore en Espagne que je préfère être un étranger plutôt que dans la plupart des autres pays. Que l'on se fait facilement des amis en Espagne ! » (George Orwell, Hommage à la Catalogne)
En tant que jeune stagiaire dévolu aux tâches ingrates de Lille43000, j’ai été envoyé à Bruxelles dans les pas des Étaques, fraîche maison d’édition lilloise, pour finir dans les plis cérébraux de ma sémillante direction. Que les choses soient donc claires : mon récit ne va pas nourrir votre indignation face à l’injustice de ce monde. Il sera belge et honteusement festif.
« Nous étions quatre bacheliers sans vergogne, la vrai’ crème des écoliers. » C’était en 2014. Le navire 43000 échouait sur la plage de Sète, l’« Île singulière », au beau milieu de l’été. Abandonnés à eux-mêmes, quatre de ses moussaillons y tentèrent le tout pour le tout. Hélas, ce qui aurait dû être une délicieuse partie de plaisir journalistique a fini en hécatombe. Les pauvres, ils voulaient juste trouver Brassens… et il leur a fallu deux années pour s’en remettre. Voici leurs aventures, en quatre chroniques.
C’est l’histoire d’un papier qui n’a jamais tenu ses promesses. Un papier qui avait pourtant bien commencé ‒ comme toujours ‒ et qui s’était fracassé contre nos propres turpitudes. Un papier qui a fait la honte de notre si brillante école de journalisme dont la dorure pâlissante de son blason nous commandait d’en finir une bonne fois pour toutes. Un papier ? Non, une realinterview de camarades lillois qui venaient de produire un bon son brut pour les truands. Bien plus que des rappeurs, des zingueurs. Autrement dit des gars peu recommandables, mais plein d’entrain.
Quelques bribes d’une arrestation. Un souvenir que j’ai vite couché sur le computer. Castaner fanfaronne, défend son armée de bleus, paraît-il irréprochable. Pourtant les violences policières s’égrènent de semaine en semaine dans une litanie morbide dont les corps resteront marqués. Pour ma part, la douleur est sourde. Un serflex trop serré et j’ai le nerf du pouce qui frissonne. Des fourmillements qui s’étiolent tous les matins. Puis recommencent. Pour d’autres, avec leur « gueule d’Arabe », c’est la routine.
« Hommage à la ZAD ». Après avoir visionné le film d'Esteban, l'ensemble du conseil de l'École Néogonzo de Lille lui a refusé ce titre. À la place ? « Gloire à la ZAD ! » Parce que sans légende, l'histoire est toujours moins belle.
La Métropole européenne de Lille (MEL) va financer intégralement « Euraflandres », « pièce maîtresse du vaste projet Euralille3000 ». Un euraménagement – un de plus – dans le secteur des euragares. De quoi émoustiller l’euraprésident de la MEL Damien Castelain : « Nous devons être sur ce quartier une référence, une marque de fabrique et un véritable showroom du reste de la métropole ». Le coût : 13 euramillions d’euros. Pas de doute, les quelque 200 000 eurapauvres du « reste de la métropole » y trouveront leur euracompte.
À 84 ans, Bruno Bonduelle n’a rien perdu de ses rêves d’enfant. Tout excité par la vente du siège de la Métropole européenne de Lille (MEL) et « la libération des terrains de la rue du Ballon », il félicite son fidèle compagnon à la tête de la collectivité : « Bravo Président Castelain pour ce coup double ! Difficile d’imaginer plus bel emplacement pour vous permettre d’entrer dans l’Histoire de Lille si vous faites preuve d’audace avec une œuvre architecturale dont toute l’Europe parlera » (Éco121, 03/18). Au passage, il envisage que « nos arrière petits-enfants se décideront peut-être à désaffecter » le cimetière de l’Est « pour en faire un petit Central Park » – les « seuls voisins susceptibles de faire un recours reposent au cimetière »… À l’École Néogonzo de Lille (ENL), cette chimère nous inquiète : que va-t-il advenir de la tombe de Pierre Mauroy, illustre prédécesseur de Damien Castelain ? Aussi, pour anticiper d’éventuels « recours » et faire parler « toute l’Europe », nous proposons de construire à la place de la MEL et de la nécropole, non pas un building ou un « Central Park » ringards, mais un Mausolée de Mauroy. Oh oui ! Plus haut que le beffroi et à la gloire du patronal-socialisme.