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"À l’été 1789, la trajectoire révolutionnaire glisse des mains des notables pour passer dans celles de la plèbe"

Des dessinatrices et dessinateurs, on en a croisés une foule dans nos carrières de journalistes sauvages. Pas difficile, car depuis une dizaine d’années ils ont su se rendre indispensables dans les salles de rédac’ de la presse alternative lilloise. C’est ainsi qu’on a pu frayer un bout de route avec Florent Grouazel et Younn Locard il y a quelques temps. Bien avant qu’ils atteignent le sommet qu’ils occupent aujourd’hui, grâce à leur BD Révolution (Actes Sud, 2019).


Les couv’ qu’ils ont croquées pour le journal de critique sociale La Brique font partie des plus remarquables de l’inénarrable histoire du canard. Trop classes, à l’image de leur première BD, Éloi (Actes Sud, 2013), qui retraçait l’histoire d’un jeune kanak embarqué dans un navire français au XIXème siècle, pour un voyage sans retour. Autant dire qu’on attendait avec impatience leur nouveau projet ‒ écrit et dessiné à quatre mains ‒ sur la Révolution française dont on avait pu discuter à plusieurs reprises. Et ça n’a pas raté : une fois de plus, ils nous ont retourné le crâne.

Au 43000, l’envie de cuisiner leur travail a fait son chemin, et nous avons entrepris l’entretien qui suit à l’automne 2019. On ne s’attendait pas à ce que, quelques jours avant de le clore, Florent et Younn ‒ ou, devrait-on dire à présent, Grouazel et Locard ‒ soient récompensés par le Fauve d’Or d’Angoulême. Comme eux ne s’attendaient pas à la révolte des Gilets jaunes peu de temps avant la sortie de Révolution – I. Liberté

 

ENTRER DANS LA RÉVOLUTION

Une petite note perso pour commencer : où, à Paris, vous seriez-vous bien vus faire la Révolution en cette fameuse année 1789 ?

F. G. : C'est une question très intéressante, et particulièrement difficile ! Ça pose finalement la question de la place que j'aurais eue dans cette société, de ma socialité, et j'aurais sûrement plus été un petit gratte-papier planqué plutôt qu'un Vainqueur-de-la-Bastille sous les balles.

Personnellement, je vais dire le Palais-Royal, parce que c'était un lieu très animé, haut en couleur, que s'y côtoyaient beaucoup de gens de milieux très différents, très politisé.e.s, et qu'on y risquait pas grand-chose parce que la Révolution y restait de mots principalement. Il y avait beaucoup d'agitation, mais aussi de discussions, de spectacles. C'est un peu « Nuit Debout », alors que les faubourgs et les barrières s'enflamment plus comme les banlieues en 2005 ! La plupart des théâtres d'événements révolutionnaires sont souvent d'une violence qui devait être assez flippante, en même temps que des moments d'actions collectives réjouissants, comme aujourd'hui partout dans le monde en définitive.

Y. L. : Oui, le Palais-Royal ça me plaît bien. Des cercles très différents y évoluaient. Il y avait le côté « Nuit Debout » comme dit Florent et à la fois c’étaient le Fouquet’s, les prostituées, la fête foraine, le baloche, le Bilderberg, un cirque...

"Les émeutière.er.s n'ont pas le bon goût de s'en tenir à un saccage, elles et ils y prennent du plaisir"

Va pour le Palais-Royal ! On embarque et on cause un peu histoire. L'historiographie s'est passionnée, et se passionne encore, pour les origines, le déroulement et les conséquences de la Révolution française. Ça s'écharpe dans les livres pour savoir si 1789 découle de facteurs économiques, politiques, culturels ou encore climatiques. Un truc qui nous a ‒ agréablement… ‒ surpris dans votre travail, c'est que vous semblez mettre ce bordel de côté au profit d'entrées diverses. Comme au début : vous plongez directement le lecteur dans l'affaire Réveillon, en avril 1789. Le pillage de la manufacture Réveillon dans le faubourg Saint-Antoine, quelques jours avant la tenue des États généraux (5 mai)… ça vous permet de mettre le curseur sur quoi exactement ?

F. G. : D'une part, ça nous permet de commencer dans l'action de la répression de cette émeute, dans le sillage de deux gamins qui courent, et de suivre cette fuite sans aucune explication, sans texte ni dialogue. C'est un truc de narration avant tout : commencer par sauter dans l'action. Et dans un deuxième temps, montrer la répression sanglante, d'une brutalité sans borne, de l'Ancien Régime, les dizaines de mort.e.s de ce qui est la dernière émeute de subsistance pré-révolutionnaire. Voilà le sort réservé aux émeutière.er.s par les troupes royales (même si bien sûr, la Révolution ne changera pas fondamentalement les choses de ce côté-là…). Ça nous permet au passage de montrer cet événement peu connu, qui a lieu quand le patron d'une entreprise florissante, qui emploie beaucoup de gens du très populaire faubourg Saint-Antoine, émet le souhait de baisser ses charges en diminuant les salaires de ses ouvriers. On montre rapidement que cette émeute a aussi un côté un peu carnavalesque, et que l'occupation et le pillage de la manufacture et de la « Folie Titon » attenante, avec ses superbes jardins, tient aussi de la beuverie. Les émeutière.er.s n'ont pas le bon goût de s'en tenir à un saccage, elles et ils y prennent du plaisir !

Fête et révolte, comme dirait l’autre… même si vous entrez effectivement directement dans la répression féroce de la monarchie. C'est un aspect qui n'est pas si souvent mis en avant, et ça permet de montrer comment la violence s'installe dès le début de la Révolution. Cette violence permet sûrement d'expliquer celle du peuple, comme une réponse à l'injustice puis rapidement comme un moyen de défense…

Y. L. : Ce qui est extraordinaire dans l’affaire Réveillon, c’est le temps qu’ont mis les forces de l’ordre pour intervenir, livrant au désordre le faubourg le plus peuplé de Paris durant plusieurs jours. On voit ici un pouvoir laisser la violence s’installer en toute connaissance de cause, avant de déclencher une répression qui fera entre 100 et 300 morts. La nécessité de l’intervention armée semble comme justifiée par sa férocité. Le fait qu’il ait fallu abattre autant de gens montre bien à quel point les émeutiers étaient perçus comme furieux, sanguinaires.

L’Ancien Régime était répressif et brutal par bien des aspects et les émeutes ne manquent pas au long du XVIIIème siècle. Pour moi, la révolution a la particularité de déplacer géographiquement et sociologiquement une violence qui est déjà présente dans l’état de non-révolution. Cette violence est amplifiée mais à mon sens il n’y a pas forcément de rupture caractérisée. La société qui se prétend pacifiée, celle de l’ordre, est un cadre dans lequel cette dernière a été repoussée au loin, invisibilisée. Pendant la révolution, on l’exhibe beaucoup, pour la revendiquer ou comme repoussoir. On l’utilise comme moyen d’action politique de tous les côtés. Dans un camp comme dans l’autre, je ne pense pas que l’on s’y vautre, on s’en sert et on se nourrit, quand l’occasion se présente, de celle exercée par ses ennemis. Dans presque tous les cas on la met en avant, on colporte largement les épisodes violents et les rumeurs horribles se répandent apparemment partout, suscitant un grand intérêt.

"La révolution a la particularité de déplacer géographiquement et sociologiquement une violence qui est déjà présente dans l’état de non-révolution."

On a particulièrement aimé la place que vous offrez aux portes de Paris, avec l'incendie des barrières de l'octroi. Pourquoi avez-vous fait ce choix ?

Y. L. : Les 12 et 13 juillet 1789, le mur d’octroi enserrant Paris est pris d’assaut et les portes de la ville, où toute marchandise est taxée lors de son entrée, sont abattues. Il est difficile de dire qui s’est livré à cet assaut mais ce qui est sûr, c’est que l’abolition de cette barrière douanière n’a jamais été discutée à l’Assemblée. Cet épisode est très représentatif de ce qui semble être un trait singulier de la révolution qui s’est passée en France en cet été 1789. La destruction des barrières, c’est la trajectoire révolutionnaire et la primauté de l’action qui glissent des mains des notables pour passer dans celles de la plèbe. Les classes aisées qui cherchent à s’emparer du pouvoir au nom de la raison et de la justice sont débordées par les classes populaires qui se mettent à défendre leurs propres revendications, ou plutôt, à tenter de les arracher lors d’affrontements. Ce débordement ne fait pas l’unanimité, il ne cherche d’ailleurs pas à la faire, les assaillants prennent ce à quoi ils estiment avoir droit d’après les principes proclamés par des députés pour justifier leurs propres revendications. Pour eux, le droit naturel prévaut sur le légalisme. Autant les héros de la Bastille seront décorés, récompensés et même indemnisés, autant ceux qui ont pris les barrières seront poursuivis par la justice en 1790 comme malfaiteurs.

OK… Vous remettez donc au centre de la question révolutionnaire ce qu'on pourrait appeler communément « la base », ces personnes qui font et qui agissent et qu'on oublie souvent sous les décombres de l'Histoire. Dans cette veine, vous avez choisi de mettre en lumière le rôle des femmes dans les épisodes de 1789. On retient classiquement les 5 et 6 octobre quand les Parisiennes ont forcé le roi à se rapatrier à Paris… Alors, cette Louise, jeune femme anonyme, qui s'engage dans la révolte, elle vous vient d'où ? Elle se retrouve avec ces personnages féminins de poissardes : les marchandes des halles de Paris, madame Saumon, madame Engueule, la mère Simon, Catherine, ou Margot. Ces dernières sont toujours au centre du discours, expliquant les causes de la misère et proposant des solutions fondées sur le sens commun populaire. Vous nous expliquez ?

F. G. : Tout d'abord, il faut expliquer que notre précédent livre se déroulait à bord d'une frégate dans les années 1830/40. On avait donc un récit porté exclusivement par des personnages masculins. C'est en partant de là que nous avons démarré notre histoire, avec cette absence en tête. Donc nous avons eu envie de rétablir une certaine parité dans un premier temps. Ensuite, nos personnages de femmes subissent évidemment une couche de domination supplémentaire, elles ont tout à gagner d'un changement de société, et ont encore plus de raisons que les hommes de vouloir s'émanciper (même si peu d'entre elles prendront part à la vie politique révolutionnaire en réalité, et qu'elles ont fini par en être chassées définitivement en l'An II).

Il faut noter que les femmes avaient, au cours du XVIIIème siècle (et pendant encore longtemps), un rôle « infra-politique » en tant que responsable des subsistances. Ce sont elles qui font masse pour taxer des denrées sur les marchés, elles sont collectivement actrices de la société avant la Révolution, comme le montre bien les poissardes qui ont accès au Roi une fois l'an. Mais il ne faut pas exagérer ce rôle, les émeutes sur les marchés se terminent mal, avant, pendant et après la Révolution. Ce que celle-ci apporte, c'est une ouverture, une fracture de leur condition (surtout en octobre 89 évidemment) : pour une fois, elles sont victorieuses, elles font corps. Il n'y aura pas beaucoup d'autres moments de grâce comme celui-ci, mais c'est déjà suffisant pour que nos personnages à nous, et Louise en particulier, prennent conscience de la possibilité d'un changement, en imaginant, comme elles le font sur les bancs de l'Assemblée, un futur à leur image, des potentialités.

"Les classes aisées qui cherchent à s’emparer du pouvoir au nom de la raison et de la justice sont débordées par les classes populaires qui se mettent à défendre leurs propres revendications, ou plutôt, à tenter de les arracher lors d’affrontements."

Donc, pour reprendre, on peut dire que vous faites des entrées originales dans le temps (affaire Réveillon), dans l'espace (les portes ou le Palais-Royal), mais aussi finalement dans les acteurs. Quand on sort des quelques heures de cours d'histoire consacrées à la Révolution au collège ou au lycée, on voit les choses d'une façon assez manichéenne : y'a les ordres privilégiés et le tiers état, les révolutionnaires et les contre-révolutionnaires, les riches et les pauvres, les méchants et les gentils... À partir du cas des deux frères issus de la noblesse de province, l'un politique, l'autre dépravé qui finit dans la Garde nationale, vous donnez une vision plus complexe de la Révolution et de ses acteurs : tous les nobles n'étaient pas contre-révolutionnaires, tout le tiers état n'était pas pro-révolutionnaire...

F. G. : Effectivement, c'est un de nos objectifs avec cette trilogie : essayer de comprendre comment un mouvement de cette ampleur ne se fait pas dans une opposition binaire entre deux camps, souvent désignés dans les manuels comme les riches contre les pauvres par exemple, ou les dominant.e.s contre les dominé.e.s. La dynamique révolutionnaire en 89 est infiniment plus complexe et ne sert pas tellement la légende fondée depuis, par les marxistes notamment. Car c'est en grande partie l'aristocratie qui a remué la première contre les velléités de réforme du pouvoir royal, amenant le reste de la société à s'engouffrer dans la brèche. Ensuite, il y a un tel feuilletage d'intérêts divergents, de catégories sociales, de fortunes, etc., dans cette société, qu'il est vraiment compliqué de tout expliquer en terme de classes, ou d’ordres d’ailleurs. Un bon exemple de ces fantasmes autour du « peuple » est démonté par Richard Cobb dans son livre La Protestation populaire en France (1789-1820), où il parle des antagonismes puissants entre les gens de la ville et ceux de la campagne, surtout au cœur de la période révolutionnaire quand la question des subsistances devient centrale. Bref, c'est très compliqué et c'est même assez troublant de se pencher sur une période qu'on croyait pouvoir saisir avec un peu de lecture, et de se rendre compte petit à petit qu'il n'y pas forcément de leçon politique évidente à y lire, de stratégie à en tirer... La vérité est ailleurs !

Fox… ? Sérieux, vous avez fait un vrai travail d'historien, et, au 43000, on sait de quoi on parle. Vous pouvez nous expliquer votre méthode ? Comment vous avez travaillé ? Vous avez dû compulser toute la littérature possible et imaginable… Vous avez tapé dans les sources aussi, comme avait pu le faire Hazan dans Une histoire de la Révolution française ?

Y. L. : Nous avons commencé au petit bonheur la chance, avec Michelet et des biographies de personnages en vue comme Fouché, Robespierre ou Mirabeau avant d’être aiguillés par un ami libraire qui nous a dirigés vers des historiens à la méthode plus anthropologique, comme Haim Burstin, qui sont des compulseurs frénétiques d’archives. Petit à petit, nous nous sommes tournés dès que nous l’avons pu vers de telles sources parce qu’elles offrent des faits sans littérature autour. Elles ont également l’avantage de se focaliser sur les anonymes, qui sont ceux qui nous intéressent le plus et à la vie dans les faubourgs et quartiers populaires de Paris, de France ou d’ailleurs. Nous ne sommes pas allés nous-mêmes aux archives, je serais bien incapable de m’y retrouver. Notre travail repose sur celui des chercheur.euse.s qui exploitent les archives et consiste à insuffler quelque chose de sensible, d’organique, sur les données qu’ils en remontent.

"L’irruption des Gilets jaunes sur les ronds-points quelques jours seulement après avoir mis un point final à ce travail de cinq années a été un électrochoc. La référence plus ou moins explicite à 1789 était prégnante, nous avions la sensation d’assister aux journées d’émeutes racontées dans la BD des 12 et 13 juillet 1789 quand les barrières d’octroi ont brûlé à Paris."

 

VOUS AVEZ DIT RÉVOLUTION ? EH BIEN PARLONS DE RÉVOLUTION

On va pas vous cacher que pour celui ou celle qui ne connaît rien à la Révolution française, votre BD n'est pas forcément ultra pédagogique, dans le sens qu'elle ne peut guère remplacer un cours d'histoire ou un ouvrage de synthèse. Mais en fait c'est un sacré atout ! Car votre BD peut être vue comme une plongée dans la Révolution française et 1789 en particulier, mais elle peut aussi être vue comme l'histoire d'une révolution : comment ça se passe, une révolution ? La vision que vous livrez a donc une valeur universelle et intéresse certes les amateurs de 1789, mais aussi tous celles et ceux qui se demandent : ça se passe comment une révolution ? C’est un truc que vous avez recherché ?

Y. L. : Ça repose sur un équilibre entre deux choses : chercher ce qu’il y a d’universel et de général dans le processus révolutionnaire et les phénomènes insurrectionnels en tentant des rapprochements entre 1789 et toute l’histoire mondiale des luttes ainsi que leur actualité (surtout leur actualité), mais également montrer les protagonistes de la Révolution française au plus près de ce qu’ils ont été. C’est-à-dire dépeindre de la manière la plus précise possible leurs conditions matérielles d’existence et chercher leurs raisons spécifiques, conjoncturelles, d’entrer en insurrection, sans leur faire porter des revendications qui n’auraient pas été les leurs parce qu’anachroniques.

« Le fond de l'air est rouge », disait Chris Marker. La tendance est aux comparaisons historiques… Quand certains disent qu'on revit les années 1920/30, d'autres comparent volontiers les Gilets jaunes à 1789. On aimerait creuser ça : le rapport de la Révolution à aujourd'hui. Quels liens vous tissez entre les derniers mouvements sociaux en France et ce que vous appris de l'année 1789 et des suivantes ?

Y. L. : Nous avons commencé ce travail avec le sentiment que la Révolution française était enterrée, verrouillée, monopolisée par les institutions (donc la contre-révolution) et à la rigueur, l’extrême droite. L’irruption des Gilets jaunes sur les ronds-points quelques jours seulement après avoir mis un point final à ce travail de cinq années a été un électrochoc. La référence plus ou moins explicite à 1789 était prégnante, nous avions la sensation d’assister aux journées d’émeutes racontées dans la BD des 12 et 13 juillet 1789 quand les barrières d’octroi ont brûlé à Paris, vraiment.

Manifestement, ce genre de situation peut émerger pour des raisons assez similaires (une augmentation de taxes ou simplement l’existence de taxes vécues comme injustes) à plus de deux siècles d’écart. Il est donc intéressant de se pencher sur l’histoire pour lire le présent. Mais les différences conjoncturelles sont légions. C’est d’ailleurs un des intérêts de la Révolution dont nous avons peu parlé jusqu’à présent : son radical exotisme. Le monde pré-industriel que nous décrivons nous est tout à fait étranger, il est important de s’en souvenir.

Parlons de ce « radical exotisme » justement, ce monde « pré-industriel ». Quelles sont les différences majeures avec notre époque à retenir selon vous ? On peut avoir l'impression de connaître la Révolution française, mais finalement... bah on n'y était pas... et peut-être qu'on n’aurait même pas trop kiffé... Peut-être que si on voyageait dans le temps et qu'on se retrouvait plongé brutalement dans le Paris de 1789, on se dirait « Waw ! Mais qu'est-ce qui se passe ici et qui sont tous ces gens bordel ?! » On délire, mais plus sérieusement, qu'est-ce qu'il y a d'exotique ? Le rapport au travail ? À la famille ? À la société?

F. G. : J'ai envie de parler de deux de mes lectures du moment, Histoire de ma vie de Jacques-Louis Ménétra, un compagnon vitrier qui raconte son enfance à Paris, puis son tour de France sous Louis XV, et le reste, et Flagrants délits au Champs Élysées, un recueil des rapports d'un flic en charge de la surveillance de cette toute nouvelle promenade placée sous la responsabilité de l'intendant aux propriétés royales. On a là deux textes qui sont des témoignages directs, dans la langue de gens issus de classe plutôt populaire (mais qui ont accès à l'écrit, c'est déjà un trait qui les distingue de pas mal de leurs « semblables »). Déjà la langue est très exotique, beaucoup plus que ce qu'on en a fait dans Liberté, et au moins aussi exotique que celle des parlementaires et des écrivain.e.s dans un tout autre registre.

"Pour moi, écrire sur la Révolution requiert presque la même approche et demande la même humilité que d'écrire sur, par exemple, le Japon contemporain."

Il y a de longs passages qui restent très obscurs, surtout dans le texte de Ménetra. Au début de son récit, celui-ci parle énormément du système de cooptation des Compagnons, qui fonctionne presque comme une mafia (en tout cas c'est l'idée que ça m'évoque sous sa plume), on est obligé de faire pas mal d'efforts pour saisir ce qu'est la société de cette époque, qu'est-ce qui structure tout ça... on peut dire, comme les livres d'histoire : le Roi, la famille, la religion... mais pour Ménétra, plutôt irréligieux sinon athée à ce qui semble, célibataire qui se représente avec beaucoup de forfanterie en Casanova (en fait un dangereux phallocrate qui se vante à plusieurs reprises de viols et qui laisse un paquet de femmes enceintes sur sa route), ces grandes structures théoriques sont lointaines, voire pas du tout opérantes. Sa confrérie, par contre, et le rôle des Compagnons dans les villes, ou bien le rôle des autorités locales, les conflits avec les autres groupes ouvriers contre lesquels les Compagnons mènent de vraies batailles rangées – c'est plutôt Gangs of New-York comme ambiance ! –, ou encore son statut de maître qui lui ouvre plein de portes et l'autorise à pas mal de débordements, tout ça est beaucoup plus présent dans son texte. Et très lointain pour nous.

Pour Federici, le flic des Champs Élysées, il y a aussi pas mal d'éléments qui sont très obscurs (par exemple deux des thèmes récurrents de ses rapports sont les désagréments causés par des parties de « jeu de barres », qui n'est pas vraiment défini, qui attirent des foules, ou encore par la présence d'étudiants des collèges du quartier Latin et surtout de leurs encadrants ecclésiastiques qui foutent la merde, ce qui contredit pas mal l'idée qu'on se fait du poids de la religion...). Mais il y aussi des choses qui semblent immuables : les riches passent à cheval au grand galop dans les allées en permanence alors que c'est interdit, ou font agrandir leur terrasse sans autorisation, essayent de régler tout ça avec un louis d'or... et les bois (c'est encore vraiment la campagne dans ce coin-là) qui servent de refuge aux amours, hétéro ou homosexuelles ‒ masculines ‒, ces dernières donnant lieu à des patrouilles hebdomadaires. Gare aux amants qui ne sont pas « de condition », et finissent souvent en taule.

Peut-être finalement que l'exotisme est placé à des endroits un peu aveugles de l'historiographie, ce qui explique aussi que les choses ne soient pas claires, parce que pas transmises. C'est le cas de toute l'organisation des provinces, des campagnes, de tout l'édifice que l'abolition des privilèges est censé « régler », des milliers de cas particuliers qui faisaient parfaitement sens pour les contemporain.e.s mais dont le fonctionnement s'est perdu dans le tsunami révolutionnaire, par une politique de la table rase qui a tout mis sens-dessus-dessous. Pour moi, écrire sur la Révolution requiert presque la même approche et demande la même humilité que d'écrire sur, par exemple, le Japon contemporain : on peut faire des ponts, dire des choses qui ont du sens malgré la distance ‒ historique ou géographique, culturelle quoi ‒, mais il faut bien se garder de penser qu'on détient une vérité claire sur les gens dont on parle. On se sert bien plus d'eux pour parler de nous, de notre réalité.

Un monde étrange, peuplé d’étrangers… En tout cas, pour beaucoup de gens, avec 1789, vous vous attaquez à la « mère des révolutions ». Et les révoltes et révolutions ne manquent pas dans le monde. On a commencé la décennie avec les insurrections en Libye, Syrie, Tunisie, Égypte et on en passe. À Hong-Kong, la question des libertés est au centre du soulèvement. Au Chili, en Bolivie, en Catalogne, en Iran etc., de nombreuses personnes se mobilisent autour des valeurs d'égalité et de liberté. Vous deviez y être attentifs pendant vos recherches... Tu dis « on se sert bien plus d’eux pour parler de nous »… Est-ce que, de ce fait, votre lecture de 1789, votre rapport à l'enquête et aux faits historiques, ont été influencés, d'une manière ou d'une autre, par ce qu'il se passe autour de vous ?

Y. L. : Pour faire vivre une période disparue, nous cherchons à la faire entrer en résonance avec des événements qui nous sont contemporains. Les révolutions arabes, les mouvements d’occupation d’espaces publics, les ZAD, sont pour nous des champs de documentation au même titre que les livres d’histoire sur 1789. Nous ne savons pas exactement définir le ton juste. On ne peut que chercher et trouver, ou non. Mais quand ça fonctionne, quand l’été 1789 résonne avec Hong-Kong ou ce qui se passe à Alger, on n’en tire pas pour autant une recette réutilisable telle quelle.

La Révolution française a eu ‒ et garde ‒ une influence mondiale, mais qu’il ne faut pas à mon sens exagérer. À vrai dire, « révolution française » n’est peut-être même pas un terme si pertinent que ça. Au départ du projet, ce qui me plaisait c'était cette impression que les acteurs des événements (les députés comme Barnave, par exemple), plongeaient dans l'inconnu dès 1788, en inventant cette audace qui est la leur à partir d'aucun antécédent historique à part des références antiques tenant presque de la mythologie.

Jean-Clément Martin nous a appris que c'était une idée reçue, que les épisodes révolutionnaires avaient secoué l'Europe et l'Amérique dans toute la seconde moitié du XVIIIème siècle. D'après lui, la Révolution française devrait plus être présentée comme la clôture d'un cycle que comme la fondation de quelque chose de radicalement nouveau.

"Pour faire vivre une période disparue, nous cherchons à la faire entrer en résonance avec des événements qui nous sont contemporains. Les révolutions arabes, les mouvements d’occupation d’espaces publics, les ZAD, sont pour nous des champs de documentation au même titre que les livres d’histoire sur 1789."

Oublions 1789 un temps, alors. On vous propose un retour vers le futur : imaginez un instant vous projeter dans 200 ans, vous auriez peut-être envie de croquer notre époque, notre société, le ou les mouvements... En vrai, on peut pas vraiment éviter le contexte dans lequel se passe notre échange épistolaire... Les grèves de cet hiver, les luttes contre la réforme des retraites, les revendications qui explosent ici et là, dans différents secteurs, les actions multiples et la répression systémique... imaginez-vous en 2250, BDistes du futur, vous auriez peut-être envie de produire une série de trois superbes futuro-BD sur notre époque... si c'était le cas, ça serait sur quoi votre premier futuro-tome ?

F. G. : Sacré exercice de prospective ! Personnellement, je crois que j'irais vers quelque chose qui tente de faire la liaison entre les époques, interroger ce qu’il y a de partagé dans nos mondes, passés, présents, futurs (et dans la co-existence de mondes culturellement ou géographiquement éloignés au sein d'une même temporalité). Qu'est-ce qui fait qu'on pourra s'entendre sur certaines choses avec les lecteurs.trices du XXIIIème siècle ? Qu'est-ce qui nous mettra totalement du côté de l’altérité ? Sans doute pas les dynamiques de fond qui structurent les rapports de pouvoir malheureusement, mais sans s'avancer, on peut penser que les luttes contre la réforme des retraites ou le statut d'auteur auront laissé peu de traces ! L'objet réel de nos combats quotidiens sera probablement devenu justement trop « exotique » pour les gens du futur, mais pas celui pour l'émancipation, l'autonomie... et l'amour, évidemment ! C'est assez perturbant de se projeter comme ça, parce que finalement on peut avoir l'impression que ce qui suscite le plus notre attention, nos indignations, ce qui dirige notre travail d'auteurs au quotidien n'a pas vocation à durer. Il faut prendre du recul et imaginer comment nos vies prennent sens dans une histoire longue, sans verser dans l'idéologie d'un progrès... c'est vertigineux !

J'espère en tous cas qu'i.elles auront encore le goût de la lecture, ou plutôt du récit, mais je n'en doute pas trop, sinon ça voudra dire que les ordinateurs du Techno-pape auront gagné la cyber-guerre de 2127 contre la Fédération Organique !

(Conseil lecture : L'An 2440 de Louis-Sébastien Mercier !)

"L'objet réel de nos combats quotidiens sera probablement devenu justement trop "exotique" pour les gens du futur, mais pas celui pour l'émancipation, l'autonomie... et l'amour, évidemment !"

 

APRÈS LA LIBERTÉ

Décidément cet entretien est bousculé par les événements ! On s'entretient avec vous depuis novembre, le mouvement social a explosé entre-temps, et puis voilà qu’hier ‒ samedi 1 février 2020 ‒, alors qu'on en était encore à l'apéro, on apprend que vous recevez le Fauve d'or à Angoulême. De la part de toute l’équipe du 43000, FÉLICITATIONS, les gars ! Au-delà de votre FORMIDABLE ‒ on en rajouterait bien, mais notre estimé lectorat va se lasser ‒ travail, qu'est-ce que cette récompense vous inspire ? On ne peut pas ne pas voir dans votre prix une référence à l'actualité française depuis quelques années. Est-ce que la BD, pour vous, se découvre une vocation d'actualité ? Est-ce qu'elle permet aujourd'hui de poser des questions de fond, d'interroger des sujets historiques pour mieux embrasser les questions contemporaines ? Est-ce nouveau ou cela a-t-il toujours existé ?

Y. L. : Merci pour les félicitations. Je ne saurais pas trop vous dire exactement ce que m’inspire cette récompense.... Ça rend Révolution plus visible, ça la fait lire et ça j’en suis ravi. La BD permet depuis longtemps de poser des questions sur tout. C’est un usage qui est peut-être de plus en plus répandu et tant mieux. Quand Art Spiegelman racontait la Shoah en BD, avec des souris et des chats, tout en livrant une réflexion complètement hallucinante sur le récit, le témoignage, le signe, le dessin et la lettre, il faisait selon sa conscience ? Ses désirs ? Sa folie ? En tout cas, pas par rapport à ce qu’on était en droit d’attendre d’une BD à l’époque. Ce médium a prouvé de nombreuses fois, déjà, qu’on pouvait le réinventer de fond en comble ou en tout cas, le faire radicalement changer de statut. Pour ce qui est des échos avec l’actualité, je crois qu’on travaille notre sujet de manière assez proche de la science-fiction, c’est juste que ça se déroule dans le passé. D’où les correspondances avec notre époque. La période révolutionnaire est le bain que nous avons choisi pour faire évoluer une histoire d’engagement politique et de luttes, qui cherche à être utile pour aujourd’hui.

"Pour ce qui est des échos avec l’actualité, je crois qu’on travaille notre sujet de manière assez proche de la science-fiction, c’est juste que ça se déroule dans le passé."

F. G. : J'ai l'impression que la BD est capable de beaucoup de choses, depuis très longtemps, et que le fait que l'institution ne s'en soit pas emparée (en tout cas jusqu'à récemment) nous laisse, en tant qu’auteurs, très libres. Aujourd'hui, après un mouvement d'ouverture de la création et de l'édition du côté de la presse et du documentaire, avec des choses merveilleuses et quelques trucs moins indispensables, on a aussi quelque chose qui se passe du côté de l'histoire, car il est clair que nous sommes loin d'être les seuls à s'en emparer de cette manière ces temps-ci. Mais au-delà de ces mouvements, ce qui va être intéressant c'est de voir quelles formes nouvelles les autrices et auteurs vont faire prendre à leurs bandes dessinées, c'est un médium qui, à mon, avis, est loin d'avoir montré ses limites.

Et vous ne comptez pas dédicacer un t-shirt à Macron, comme Jul ? Plus sérieusement, Révolution – I. Liberté va devoir assumer l'éloge des politiques. On va célébrer à travers votre travail la Révolution, son mythe, l'histoire de France, la France éternelle, la France des droits de l'homme… Cela risque-t-il de changer votre démarche et votre approche ? Quels sont les écueils, d'après vous, à éviter ?

Y. L. : Pour l’instant, on s’est rendus à toutes les invitations, malgré des envies parfois assez fortes de sécher. Et c’est rien de le dire. Pourtant je n’en regrette aucune. Après, on ne pourrait pas faire comme Jul, poser pour une photo avec Macron. Notre délire, c’est plutôt de rentrer dans le roman national un flingue à la main et de dézinguer tout ce qui bouge.

F. G. : On cherche pas trop à avancer masquer avec cette BD. Peut-être que dans ce premier tome, beaucoup de choses ne sont pas lisibles vis-à-vis de ce qui nous anime politiquement, et peut-être même que nous ferons attention à ne pas finalement emprisonner notre histoire et nos personnages dans une nasse idéologique trop évidente à la fin des trois tomes. Mais comme on ne cache pas trop qui on est quand on nous donne la parole, il y a peut-être un moment où pas mal de gens, dans les médias, ou même des politiques (quelques-uns nous ont contactés, ceux que la période intéresse comme « totem »), vont trouver ça compliqué de nous donner la parole, car le côté consensuel de 1789 va laisser la place à des choses plus irritantes… Si ce n'est pas le cas, peut-être qu'on aura de quoi s'inquiéter.

Mais comme le pouvoir est aussi en pleine tentative de se constituer sur des paradoxes, sur des « en-même-temps », et sur le siphonage du sens des choses, on n’est pas à l'abri de servir de caution non plus... Donc prudence !

"On ne pourrait pas faire comme Jul, poser pour une photo avec Macron. Notre délire, c’est plutôt de rentrer dans le roman national un flingue à la main et de dézinguer tout ce qui bouge."

Nous avions prévu de vous titiller sur la suite de Liberté. Alors on s'est fouillé les méninges pour imaginer. Égalité ? La mort ? C'est confidentiel ?

Y. L. : La vérité, c’est qu’on ne sait pas très bien nous-mêmes. C’est ce qui fait que Révolution n’est pas à mon sens un livre militant : on ne sait pas où on va, on n’a pas de programme. Le message s’élabore de manière un peu chaotique, au fur et à mesure de l’écriture et de la documentation.

Mais… quand même… les lectrices et lecteurs veulent savoir, quelles sont vos pistes ?

Y. L. : On a envie de montrer la dynamique thermidorienne et la tentation césariste qui mènera à l’empire, mais sans forcément l’aborder directement. On a plein de personnages qui nous permettent d’ouvrir ce genre de pistes. Il faut aussi qu’on réfléchisse au bilan que tirera Louise de tout ça, par exemple. Plutôt que « comment se raccrocher au roman national », on se demande ce que les protagonistes en ont tiré pour eux-mêmes, comment ils ont vieilli, avec quels regrets ou quel sentiment de victoire ils ont continué de vivre.

Ah, là vous nous donnez envie… À la fin de Liberté, on voit un certain Robespierre qui s'insinue discrètement dans votre récit... ça laisse présager une place importante pour lui dans le prochain tome, non ? Vous vous positionnez par rapport au débat robespierriste/anti-roberspierriste ? C'est qui pour vous, Robespierre ? Le révolutionnaire ultime ou un type pris par le flot des événements, peut-être malgré lui, comme y'en a eu beaucoup d’autres à cette époque... ?

Y. L. : À mon sens, Robespierre est victime d’une terrible injustice. Au mieux il reste incompris, et au pire il est très injustement traité. Cette découverte est d’ailleurs un de mes points d’entrée dans la Révolution. Aujourd’hui pourtant, ce n’est plus notre sujet, parce qu’on a trouvé plus mal traités encore par l’histoire. Ce sont les Reine Audu, les Louise, les Joseph… qu’on nous a systématiquement montré.e.s depuis comme des foules hystérisées et écervelées. Robespierre, c’est un gars qui est en charge, ça suffit pour modérer notre sympathie à son égard.

"Robespierre, c’est un gars qui est en charge, ça suffit pour modérer notre sympathie à son égard."

En tout cas, la suite doit vous poser beaucoup de questions sur la violence, non ? La République, comme aboutissement d'un long processus d'émergence d'un État moderne, a produit de la violence dès ses débuts, elle a exercé une violence légitime contre ses citoyens. Est-ce à dire que la répression que nous vivons aujourd'hui trouve ses origines en 1793 ?

Y. L. : À mon avis les origines de la répression remontent bien plus loin, je ne crois pas que la Convention ait radicalement innové par rapport à l’Ancien Régime à ce niveau-là.

F. G. : Moi j'ai le sentiment que c'est un des trucs auxquels j'essaye de me confronter avec ce bouquin : mon rapport à la violence, politiquement. À toutes les violences d'ailleurs, les légitimes, les personnelles, les rentrées, les bannies, les disqualifiées, les légales, les légitimes... C'est plus vaste que la Révolution, parce qu'effectivement, on a le sentiment que toute la période n'a pas fondamentalement changé le rapport des gens avec leur violence, ou celle de l'État. C'est plus une réflexion sur ce bagage de violence qu'on porte, depuis toujours peut-être, mais que notre société a décidé de ne plus assumer collectivement que via des professionnel.le.s, tout en s'entretenant dans l'idée qu'elle est entièrement pacifiée, civilisée... C'est ce mensonge qui est insupportable et qui fait que, collectivement, on supporte la répression inouïe à laquelle les mouvements sociaux sont confrontés. Mais on doit aussi poser la question d'un régime qui se constitue dans et par la violence, souvent dirigée contre des groupes précis, parce qu'on voit bien que si la Révolution a si mauvaise presse, c'est surtout du fait des groupes dominants qui ont été durablement terrorisés. Et ça ne les a pas empêchés de revenir aux manettes, il ne faudrait pas l'oublier !

Comme le mouvement des Gilets jaunes a explosé au moment de la parution du premier tome, vous vous attendez à quoi pour le second tome ? Pas la fuite de Varennes mais la retraite du Touquet ? Pas l'abolition de la monarchie mais la chute de la Macronie ?

Y. L. : Vu comme on a été surpris par l’émergence des Gilets jaunes, je crois qu’il vaut mieux ne rien pronostiquer et s’attendre à tout. •