Ce texte sera court. Pas grand-chose, un petit coup de gueule. Au pire un mollard craché à la gueule des dirigeants locaux. Les mêmes qui, si un jour ils me lisent, balaieront ma verve en criant au populisme. Rien à battre : moi, je ne marche pas dans leurs sales combines.
« Il faut retrouver la politique la vraie avec des valeurs, des projets, et apprendre à chaque citoyen à repenser le collectif, à repenser une société, on en a tellement besoin aujourd’hui ». Le soir de sa victoire ô combien piteuse aux élections municipales, Martine Aubry n’a pas pu s’empêcher de déclamer ses bonnes résolutions pour sauver la démocratie du péril abstentionniste. Et pour « retrouver la politique la vraie », quoi de mieux que d’apporter son soutien au président de la MEL Damien Castelain pour sa réélection ? C’est ce que rapporte Mediacités qui se demande ce « que pense la maire de Lille, signataire de la charte de l’association de lutte contre la corruption Anticor des mises en examen du président Castelain » et de sa « convocation inévitable au tribunal correctionnel » pour recel d’abus de confiance. Réponse de l’intéressée : « Vous ne m’emmènerez pas sur ce terrain-là ». Par crainte de glisser sur la terrasse de pierres bleues de Castelain ?
Lapsus révélateur d’un spécialiste lillois de la politique et du Parti socialiste, hier lors de la soirée électorale de France Inter : « La démocratie c’est le vol… euh le vote ! » Difficile de le contredire quand la maire de la 10e ville de France est réélue avec 15 389 voix pour un quatrième mandat.
Ils sont 7919 à avoir voté pour Violette Spillebout au second tour des élections municipales. À avoir voté pour une diseuse de bonne aventure droitiste, au pédigrée très aubryiste. À avoir voté pour LREM. À avoir voté pour la candidate d’Emmanuel Macron à Lille. Ça fout les boules, mais le pire c’est qu’ils ont été 1000 de plus qu’au premier tour. 1000 de plus à voter pour une liste estampillée majorité présidentielle, malgré toutes les crapuleries gouvernementales qui ont défrayé la chronique entre les deux tours. Soit ils n’ont pas la télé, soit ils n’ont pas les yeux en face des trous. Dans tous les cas, ils sont macronistes, et fiers de l’être.
À Lille, la très courte victoire de Sa Majesté Aubry ne doit pas faire oublier le grand gagnant de cette élection : le Glorieux Parti Communiste Français (GPCF), de retour à la mairie après six ans d’absence. Évacués du conseil municipal en 2014 à cause de leur désir d’émancipation ‒ triste époque ‒, les communistes lillois ont eu tout le loisir de tirer les conséquences de leurs actes. Pour en conclure que finalement, la ville néolibérale promue par leurs collègues socialistes, c’était pas si mal. C’est ainsi que le GPCF est revenu dans le giron de sa souveraine. Récompense : trois sièges sous un beffroi classé au patrimoine de l’UNESCO et un exemplaire du classique d’Eric Knight Lassie, chien fidèle.
Pour la première fois depuis 19 ans, l’élection de Martine Aubry dimanche ‒ si elle est réélue ‒ sera gagnée de justesse. À l’évidence, entre les abstentionnistes et les électeurs qui glisseront un bulletin pour ses rivaux, celles et ceux qui la soutiennent semblent de moins en moins nombreux et de plus en plus déconnectés de la réalité. C’est ce que nous avons bien été forcés d’admettre en laissant traîner nos oreilles dans les méandres lillois.
Hasard du calendrier, en janvier 2020, alors que le monde n’était pas encore confiné, le « fanzine » Bonne & Bourréeet la revue Jef Klakorganisaient la même semaine une soirée de sortie de leurs numéros. En galère de thunes, il nous fallait savoir comment ces petites publications se démerdent pour tenir financièrement. Si l’enquête fut laborieuse, oscillant entre l’échec et la décadence, un espoir est né dans la lutte contre la matrice de la presse pourrie.
A priori, Touches d’encre et moi, on avait peu de chance de se croiser. D’abord parce qu’il s’agit d’une petite maison d’édition indépendante qui, comme des centaines d’autres, n’est pas forcément facile à débusquer. Ensuite parce que ses premières publications versaient plutôt dans la littérature jeunesse ‒ et le bambin innocent que j’ai été n’appartient hélas plus qu’au domaine des rêves. Pour autant, c’est dans ma ville qu’Aude Béliveau et le dessinateur Lucien l’ont créée en 2013, et je ne pouvais qu’être sensible aux sujets abordés, ainsi qu’à leur pratique de type « do it yourself » : ils pondent des livres qu’ils aiment, pour des raisons qu’ils aiment, en gardant la main sur toutes les étapes de la fabrication ‒ impression mise à part. Surtout, je ne pouvais qu’être séduit par l’ouvrage qu’ils ont sorti au printemps 2019, un bel objet consacré à la longue lutte anti-raciste. Avec Dignités noires, Touches d’encre assume une œuvre politique.
On l’avait pas vu passer celui-là ! Le numéro 7 de L’Empaillé est arrivé en mars dernier. Outre la qualité suprême des sujets – grève, presse aux ordres, féminisme –, la couverture du journal anarcho-rural a provoqué l’hystérie dans l’ensemble de la communauté éducative de la vénérable institution de l’École Néogonzo de Lille (ENL). En effet, après l’analyse de nos plus émérites spécialistes en reconnaissance faciale, il est clair désormais qu’une des personnes figurant sur la photo de couv’ n’est rien de moins qu’un ancien stagiaire de l’ENL ! Ce dernier, complètement incontrôlable et sujet à des délires sportifs, s’était enfui des locaux il y a quelques années en prétextant une « grande enquête champêtre et cycliste à travers le monde ». Sans nouvelles de lui depuis, la Direction s’était résignée à lui ériger une plaque commémorative en forme de guidon d’or. Ce matin-même, Jack de L’Error l’a donc décrochée et s’est contenté d’un court discours, comme à son habitude : « Il est évident que l’école continue d’essaimer, partout et jusque dans le Middle West, des combattants-journalistes prêts à tout pour faire tomber le Parti de l’Ordre et de la Presse Pourrie (POPP). Gloire à L’Empaillé ! »
Vous vous imaginez, vous, attendre la désinfection d’une cabine d’essayage pour tester votre prochain fute ? Attendre que l’article qui vous intéressait soit « confiné » quatre heures avant d’être repassé ‒ et comment on fait pour les chaussures alors ? Ensuite, vous sortirez de l’enseigne Morgan, du centre V2 à Villeneuve-d’Ascq. Dans la galerie marchande, vous emprunterez la première route piétonne de la « voie de circulation », avec caméras et ronds-points (spéciale dédicace) jusqu’à la sortie du parking du centre commercial, ne croisant qu’un minimum de personnes. Une fois assis dans votre voiture, vous regarderez l’horizon de voitures bien rangées, les gens masqués, le caddie rempli de produits industriels à bouffer et vous vous direz peut-être : qu’est-ce que je fous ici ?