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La MEL à tombeau ouvert

Ce texte sera court. Pas grand-chose, un petit coup de gueule. Au pire un mollard craché à la gueule des dirigeants locaux. Les mêmes qui, si un jour ils me lisent, balaieront ma verve en criant au populisme. Rien à battre : moi, je ne marche pas dans leurs sales combines.


Qui a dit : « Le choix n’appartient plus aux électeurs » ? Un peu tout le monde, certes, mais qui l’a dit récemment, sur Twitter, à l’occasion de l’installation des « exécutifs intercommunaux » ? Un écolo ? Non. Un insoumis ? Non plus. Un sociologue critique ? Non, non et non, il s’agit de : PHILIPPE VASSEUR.

Ancien journaliste de droite, ancien ministre de droite, ancien patron de droite, ce saxophoniste de droite se rend à l’évidence. Ce qui se passe à l’intérieur des intercommunalités n’est l’affaire que de ceux qui y siègent. Et, à ce titre, la Métropole européenne de Lille (MEL) fait figure de modèle. Car entre ses murs, la démocratie n’y est pas seulement restreinte, elle y est escroquée.

Voyons pourquoi j’enrage : à Lille comme partout, les dernières élections municipales ont été marquées par une abstention massive. En conséquence de quoi ‒ ou pas, c’est selon ‒, nous retrouvons aujourd’hui à la tête de la ville, une baronne socialiste en place depuis vingt ans, réélue avec à peine 15 000 voix, soit 12 % du corps électoral et 6 % de la population. N’ayons crainte, elle se propose de sauver la démocratie en nous aidant, pauvres de citoyens, à « retrouver la politique la vraie ». Merci, madame. Vient ensuite le temps des fâcheuses contradictions propres à sa caste. Le temps où les mots prononcés la veille sont piétinés par les actes, sans un sourcillement, dans le normal. Le temps où elle apporte son soutien à la réélection du président sortant de la MEL dont le précédent mandat fut surtout remarqué pour ses affaires avec la justice. Elle aurait pu choisir le candidat estampillé « de gauche », un gars de sa famille, comme le veut la politique la vraie, mais non. Elle opte pour un mec de droite, fort du « plus gros groupe politique » au conseil communautaire. Ainsi la suzeraine s’achète un vassal dont la loyauté lui permettra de bâtir sa prochaine lubie ‒ une piscine olympique ou un truc dans le genre. Stratégie quasi féodale.

Peu importe que ce président risque de se retrouver en correctionnelle, que sa gestion soit critiquée par la Cour des comptes, ou que des agents de la MEL dénoncent les conditions de travail désastreuses qu’il a instituées comme un vulgaire patron des télécoms ‒ « politique RH basée sur des sanctions exemplaires allant jusqu’à des révocations contre l’avis des  juges au conseil de discipline, réorganisation et insécurité professionnelle permanentes, repositionnements professionnels  brutaux,  système  de  menaces  et  récompenses,  chantage et  humiliations  diverses, nominations opaques, attaques envers les représentants syndicaux, etc... ». La politique la vraie attendra : après la maire de Lille, le déluge.

Que les choses soient donc claires, la réélection de Damien Castelain à la tête de la MEL est un scandale. UN SCANDALE.

En lui offrant ce fauteuil, les élus qui l’ont désigné signifient aux habitants de la métropole : ALLEZ TOUS VOUS FAIRE FOUTRE. En particulier les « maires des grandes villes si mal élus » ‒ à l’instar de Martine Aubry ‒ qui, selon le chercheur Fabien Desage, spécialiste des magouilles métropolitaines lilloises, « nourrissent l’indifférence voire la défiance des citoyens à leur égard, à l’égard des institutions politiques, et creusent un peu plus la tombe de la démocratie locale, en même temps que la leur et que la nôtre… » Une tombe pavée de pierres bleues, où je finirai et où vous finirez, coincés entre Martine Aubry, Damien Castelain et tous leurs potes. Chaud.

Le choix ne nous appartient plus, disait l’autre. OK.

Le choix abject du nouvel exécutif de la MEL ne nous appartient donc pas : 20 vice-présidents dont 4 femmes ‒ le reste a des couilles, la peau blanche et plus de 60 berges. Pas plus que le choix indécent d’augmenter leurs indemnités de 50 % ‒ crise oblige. Ni celui de payer Castelain 2256 euros de plus par mois pour une indemnité totale de 7895 euros bruts ‒ ce qui, en une année, équivaut peu ou prou aux notes de frais pour des hôtels de luxe et des chaussettes en soie qu’il a bien été forcé de rembourser après l’ouverture d’une enquête pour détournement de fonds publics ; je dis ça, je dis rien…

Et quand on objecte : « MAIS COMMENT OSEZ-VOUS, LÀ, MAINTENANT, EN JUILLET 2020 ? »

Martine Aubry répond : « JE NE SUIS PAS CHOQUÉE. CETTE RÉMUNÉRATION N’EST PAS UN SCANDALE… »

Et quand on insiste, parce qu’on a les boules : « SI ! UN SCANDALE ! »

Martine Aubry tranche : « LE POPULISME A DES LIMITES ! »

Voilà le seul débat envisagé au sommet de la MEL. Une machine qui gère un budget de 2 milliards d’euros et dont les compétences sont énormes. Une mécanique bien huilée qui anime le quotidien de plus d’un million de personnes en suivant scrupuleusement les préceptes néolibéraux. Une institution créée par et pour une oligarchie qui a tout intérêt à creuser « la tombe de la démocratie locale », tant sa politique revient et reviendra toujours à creuser les inégalités. Quoi, un problème ?

Ce n’est pas le populisme qui a des limites. C’est l’escroquerie.

Illustration d’intro : Loïc Six, dessin paru dans La Brique n°62.