- Catégorie : Fonds Bertoni pour le Cinéma
- Écrit par Samuele S. ("Huntingtown") Bertoni
Calibre 9
Stéradian publié initialement le 5 novembre 2012
Jean-Christian Tassy / Éric Cherrière / Chloé Robert
Il est de ces polars, d'un genre plus si nouveau nouveau, mais qui se veulent d'une facture résolument moderne. Celui-ci cumule, jusqu'à la nausée visuelle, les farcissures d'effets de caméras, de musique, de photo et de posture, dits « spéciaux ». En clair, l'allure d'un « vidéoclip hypercinétique » (dixit Noah Lee, de Film Threat). En clair : ça fuse. Malgré cela, tu sens dès le départ que tu vas nager entre les eaux du genre (John Woo, Reservoir Dogs, etc.) : sales méchants, justiciers, victimes, flics, violence. Mais passé le générique, c'est peut-être politiquement plutôt convenu, mais narrativement plutôt solide, pour cette fable un peu absurde. Par plans ultra-courts, on pose en deux-deux notre chère France, et de la racaille à l'élite, la marmite est pleine à ras bord. Vengeance, justice. Ici, grâce à la « magie » des effets « spéciaux » (une voix off par-delà les âmes et un flingue qui bouge tout seul), on passe tranquillos de la perspective narrative d'une jeune pute morte au visage ensanglanté (N. Hauwelle), à celle d'un urbaniste lâche, cadre sup à la trogne d'un JM Apathie plus jeune plus beau (L. Collombert). Lui-même est à la solde d'un maire facho aux abus de pouvoirs « décomplexés », et orné de la tronche d'un Douste-Blazy de plus (Ph. Bussière). Lui-même est à la botte d'un mafieux made in France, à la gueule de connard, donc. Esquisse de la photo de famille du bilan d'une France qui n'est pas, disons pour moitié du film (car après ça disjoncte quand même sévère), sans rappeler feu la sarkozienne, celle qui n'en aura retiré que le dogme de l'arrogance. Justice, vengeance ? Un flic, vieux, sombre et dur, à la trappe de flic (Ph. Burel), dur car la jeune femme est une pute, morte de surcroît, ce qui le guette aussi. L'idée un peu farfelue, quoiqu'originale, c'est que de l'impact dans son cadavre, notre flic repêche en ses entrailles l'arme du crime, un automatique calibre 9 déposé là, comme un rituel africain réincarnant. Petit intermède technique, le calibre 9. Depuis le Luger des nazis, le vieux Colt Python et sa bande ventilée façon Bébel, l'un des plus célèbres de ce calibre must have des vrais barges de la puissance d'arrêt ou de l'impuissance freudienne, c'est selon, c'est le Beretta 92. Ce flingue à 15 coups de grande précision arme encore aujourd'hui tous les corps d'armée d'Italie comme il arma jadis la police du NYPD (vous savez bien, ce département si cher à notre ex-président-jogger en Ray Ban) de Rudolph Giuliani, avant qu'à notre ère, l'autrichien Glock en polymères ne lui choure la vedette, et ce marché. Mais revenons à nos bastos. Ici, c'est le Beretta, modèle chrome, la vedette de notre petit film. Ressuscité, voici donc notre calibre inanimé... hanté par l'âme de la jeune victime. Si, madame. Comme la ville est pourrie de corrompus, comme la petite pute est morte, comme le vieux flic veut que ça change avant de caner, et comme l'indique finement la fin du générique en guise d'exergue, on tuera tous les affreux (Boris Vian) (oui, sic), eh ben ça va saigner. Chic. Si on aime le polar, on se réjouit de voir ce ballet balistique répandre ses litres d'hémoglobine, et les regarder, bercé d'ultra-violence joliment burlesque, dévaler ces pelouses du pouvoir (d'Herbe rouge ?). Surtout un truc à trucages pareils, où la caméra fait un zoom arrière, sortant d'une voiture, élargissant le champ jusqu'au trottoir en traversant la vitre sans la casser ! Mais si on aime le polar, on pourrait vaguement douter, qu'un flic compte venger la pute morte en... tuant tous les affreux. Jusqu'ici, condamnés par un cancer ou pas, on les sait pointer leurs « vengeances de justice » sur bien d'autres « affreux ». ACAB sauf lui, en somme. Dans ce genre vaguement vieillissant, ce serait pas le premier, héhé. 1er film de ce Tassy qui doit avoir aimé J. Statham et Duke Nukem. 1er film, aussi, si identique à l'un de ces jeux de pan-pan-tue-tue téléguidés, les FPS (jeux de tir subjectif) virtuels, si propices à fabriquer des snipers et autres pilotes de drones bien réels. Mais 1er film enfin, réussi « avec le soutien du Défi Jeune » ! Courage, les schlagues et les teupus de tous pays : bientôt un autre, de ces néoTarantino révolutionnaires pourra se voir dédié... avec le concours du RSA. À vos crayons ! Manchette, repose en paix, vieux frère. Eastwood, Willis : on tuera tous les affreux. Vengeance ? Justice ? Calibre 9. On vous aura prévenus.