- Catégorie : Fonds Bertoni pour le Cinéma
- Écrit par Samuele S. ("Huntingtown") Bertoni
Deux jours à tuer
Stéradian publié initialement le 10 juillet 2012
Jean Becker
A. Dupontel / P. Vaneck / MJ Croze
« Tu lui diras que j'étais fou, fou amoureux d'elle... et que j'aurais donné ma vie... pour un de ses avocats-crevettes... tu lui diras ». Couic. Dupontel, tel qu'en lui-même, définitif comme un amoureux. Quel mec. Comment éviter aux autres d'être tristes, de vous perdre ? Ben pourquoi pas en les envoyant tous-se-s se faire enculer, de votre vivant ? Ça a l'air de marcher. Et c'est le synopsis bien futé de ce petit film d'un ex grand cinéaste (L'Été meurtrier). Mais à part la joie de voir ce gros malin d'Albert tout défoncer comme le cynique qu'il a pu être dans ses délires scéniques, cynique qu'il n’était justement pas en Sachs, le médecin malade de Winckler, on regrette justement ici un peu de sens, à tout ça. On voit venir gros comme un camion que derrière toute cette méchanceté, une grosse douleur se tapit sous ces rides tendrement bourgeoises. Du coup, Les yeux tristes de MJ Croze suffiront-ils à nous consoler ? Pas sûr. Quelques scènes aussi improbables qu'amusantes, comme cet auto-stoppeur chômeur précaire d'une finesse de trait qu'on voudrait sortie du FigMag, crevard comme dans un sketch de Coluche, et qui repart non seulement nourri-conduit, mais gratifié de quelques milliers d'euros (« si, si, prenez-les, faut des forces pour faire des déménagements »)... Bref, des grosses pépites d'humanité « trop humaine », comme ça. Mais comme ce ne sera pas au nom de ses trahisons bassement humaines (cul, fric, suffisances petites-bourgeoises...), qu'on déchirerait donc ce tissu social, mais bien parce que, ben, on va mourir, on est un peu... partagé. Qu'on veuille laisser pas trop de douleur dans le souvenir, ok. L'idée est même tentante. Mais on regrette alors un peu ces coups portés sur toute cette suffisance, et sa médiocrité, dès lors qu'on se rappelle, que, contrairement au bonheur familial crozéen en BMW, la mort, elle attend un peu tout le monde, monsieur Albert. Enfin, comme c'est doucement surjoué, car ça doit être lassant, la méchanceté systématique, ben on le croit de moins en moins, notre papa en quête de l'idéal papa. Deux heures, du coup, pas complètement à chier, si vraiment on a du temps et des personnages à tuer... ailleurs que devant un autre film.