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Ch'ti land et La Voix du Nord

 Ce mercredi 30 mai, La Voix du Nord pète un boulard. Car, merde, La Voix du Nord elle en a marre de voir les méchants médias parisiens se foutre de la gueule de ses lecteurs. Alors comme elle est pas contente, La Voix du Nord, elle titre en une « L'indélébile image caricaturale des Ch’tis ».


 • En cause ? Un numéro de l'émission « Zone interdite » sur M6 dépeignant les vacances sur la côte d'Opale entre le camping prolo « Pomme de pin » de Cucq et les vastes villas du richissime Touquet-Paris-Plage, à quelques kilomètres de là. Une manière de mettre en évidence les rapports sociaux de classe à travers la question du loisir, me direz-vous. Eh bien non – et c'est bien pour ça qu'elle est pas contente, La Voix du Nord –, simplement des « portraits une nouvelle fois sans nuances d'habitants de la région. » Ce n’est pas un rêve, La Voix se met à la critique des médias !

La double page de « contre-enquête », consciencieusement rédigée par Christophe Caron, revient sur le déroulé du reportage-poubelle que livre M6. En pointant, toutes les quatre lignes, ce qui a pu — légitimement — choquer les lecteurs de La Voix. Comme, côté camping, cette maman qui ne connaît pas le subjectif — et quoi de plus normal ? Ou cette Maubeugeoise qui, touchant du sable pour la première fois de sa vie, déclare à la caméra que le sable, « ça colle ». Ou encore « l’arrivée imprévue » d’un « ex-taulard, porté sur la violence, toujours en délicatesse avec la justice ». Comparé aux putains de villas touquettoises, aux mains de gros pétés de tunes, M. Caron semble avoir raison d’établir un parallèle avec le film La Vie est un long fleuve tranquille. Bref…

… autant le dire comme ce lecteur de La Voix : « lamentable les passages où il est dit que dans le Nord on se marie entre cousins-cousines et que nous faisons des "cousines parties"... on va se faire traiter de consanguins, je le sens... »

Cette redoutable « contre-enquête » aurait pu s'arrêter là si notre journaliste de choc ne s'était pas fendu, à côté, d'un petit édito façon Nicolas Demorand pour dire ce qu’il pense, lui : « Il n'empêche que les gens du Nord en ont peut-être assez que l'appellation "Ch'tis" soit cuisinée à toutes les sauces. […] Aucun des (nombreux) reportages n'ambitionne de représenter tout le peuple nordiste, mais leur accumulation finit par façonner une image. […] En somme, il faut des archétypes. On pourrait peut-être en trouver dans d'autres régions... »

Classe…

… mais, attendez…

… La Voix du Nord, n’est-ce pas celle qui nous a bassiné avec sa liturgie « Bienvenue chez les Ch’tis » de longues semaines durant ? Celle qui a fait son beurre au maroilles avec cette guimauve caricaturale servie sur un plateau télé par une star parisienne, ex-nordiste ?

C'est bien elle :


A l’époque, les confrères du journal La Brique avait, eux aussi, à leur façon, pété un boulard face à cette volonté de faire du Ch’ti une marque. Ça s'appelait « Lille, tu peux crever !!! » Et ça faisait ça : « "Fiers d’être Ch’tis  !!"... Putain, fiers d’être cons, oui ! Que vient dire cette banderole de 50 m2 à tous les passants de la Grand-Place, en hurlant du haut de ses caractères ? "On adhère au programme de la Maison Flamande" !!!

Et, entre les lignes, car c’est si fin : "comme on est vraiment trop stupides dans le vide sidéral de nos vies, on remplace les idées et le débat public par notre nombril, qui vaut mieux ici que celui des Toulousains". On nous avait déjà bien pourri l’urbain, avec ce coincetot central de Lille, découpé par les quelques requins qui se le partagent, La Voix du Mort, le Furet de Dassault, ces terrasses où le bourgeois peut épier la bourgeoise (et vice-versa, c’est féminisable), c’était bien la place des monuments (aux morts), mais celle-là, on nous l’avait pas encore faite  : comme si on vivait maintenant dans un stade. Merci d’avoir fait croire à tout le monde ("au nom des 4 millions de Lillois" qui vous emmerdent !) qu’on avait tant rejoint la "ballade des imbéciles heureux qui sont nés quelque part".

Crève ! Lille-la-fièrote, Lille-la-chauvine, dont tu célèbres, non pas l’"identité" (on le sait bien, que t’en as une, on est d’ici aussi) mais la xénophobie et le racisme le plus crétin. Même Astérix se fout de ta gueule. Crève, Ch’ti Land, incapable de considérer quoi que ce soit au-delà du bout de ton nez de morveuse arrogante, crève dans la noirceur crasse de ton nombril si précieux. Pendant ce temps, sur ton cadavre, une société s’élève, loin de toute idée même de frontière. »

Question de point de vue, me direz-vous. •